Longtemps perçue comme un paradis fiscal opaque, l’île Maurice s’efforce aujourd’hui de redéfinir son image sur la scène internationale. Inscrite sur la liste noire de l’Union européenne en 2020 pour avoir facilité certaines pratiques d’évasion fiscale, la juridiction a depuis engagé une série de réformes profondes afin de se conformer aux standards de l’OCDE et de l’UE. Parmi les mesures phares : l’instauration d’un taux d’imposition minimal de 15 % sur les sociétés, l’exigence d’une véritable substance économique pour les entités offshore, ainsi que l’adhésion aux mécanismes mondiaux d’échange d’informations fiscales.

Le Budget 2025-2026 s’inscrit dans cette dynamique et confirme une nouvelle vague d’ajustements fiscaux et réglementaires. Ces changements concernent directement les investisseurs, expatriés, entrepreneurs, freelances et retraités qui envisagent de s’installer ou de développer leurs activités à Maurice. Cette loi de finances introduit en particulier des révisions majeures touchant à la fiscalité immobilière encadrée par l’EDB, aux droits d’acquisition pour les non-citoyens, aux conditions d’octroi des permis de résidence et de travail, ainsi qu’au régime spécifique des Smart Cities. Si certaines mesures annoncées ont été mises en œuvre telles quelles, d’autres ont été adaptées, voire abandonnées, apportant davantage de clarté et un nouvel équilibre entre attractivité économique et responsabilité fiscale.

Budget 2025-2026 à l'île Maurice : ce qui change

Impôt sur le revenu des particuliers : nouvelles tranches et contribution “Fair Share”

Le Budget 2025-2026 introduit un barème simplifié mais plus élevé pour l’imposition des particuliers. Désormais, trois tranches progressives remplacent les mécanismes antérieurs : 0 %, 10 % et 20 %. Ce nouveau dispositif s’applique dès juillet 2025, date de début de l’année fiscale mauricienne (qui s’étend de juillet à juin et chevauche donc deux années civiles).

Au-delà de ces tranches, une contribution exceptionnelle dite Fair Share est instaurée pour les contribuables les plus fortunés. Fixée à 15 % sur les revenus dépassant Rs 12 millions par an, elle traduit la volonté des autorités de faire davantage participer les hauts revenus à l’effort budgétaire, tout en renforçant l’image d’équité fiscale recherchée par Maurice.

Contrairement au système français, il n’existe pas de quotient familial à Maurice : l’impôt est établi sur une base individuelle, chaque personne étant responsable de sa propre déclaration fiscale. Cela implique qu’il n’existe pas de foyer fiscal commun, ce qui peut modifier les stratégies patrimoniales des expatriés.

Pour les retraités français, les pensions demeurent imposables en France conformément aux conventions fiscales bilatérales. En revanche, d’autres catégories de revenus — tels que les intérêts d’assurance-vie ou les plus-values mobilières — dépendent de leur nature, de leur pays d’origine et surtout de leur rapatriement effectif à Maurice. En effet, le principe fondamental est que Maurice impose les revenus mondiaux rapatriés sur son territoire.

Ce point mérite une vigilance particulière : par exemple, un résident qui conserve ses capitaux en France et effectue des paiements à Maurice avec sa carte bancaire française est tenu de déclarer les montants dépensés sur place. Dès lors qu’une consommation est réalisée localement, elle est constitue un revenu rapatrié et donc imposable.

Enfin, au-delà de l’aspect fiscal, le budget encourage le développement économique local. Les entrepreneurs peuvent continuer à piloter leurs projets depuis Maurice, y compris en conservant une structure en France, tout en ayant la possibilité de recruter des talents directement sur l’île. Ces mesures renforcent la volonté du gouvernement d’attirer des profils variés — investisseurs, freelances, dirigeants ou jeunes actifs — tout en assurant que la croissance bénéficie effectivement au territoire mauricien.

Revenu annuel (chargeable) Taux d’imposition
Jusqu’à Rs 500 000 0 %
De Rs 500 001 à Rs 1 000 000 10 %
De Rs 1 000 001 à Rs 12 millions 20 %
Au-delà de Rs 12 millions (jusqu’à Rs 24 millions) 20 % + contribution Fair Share 15 %
Au-delà de Rs 24 millions 20 %

Barème d’impôt sur le revenu des particuliers — Budget 2025-2026

Impôts sur le revenu des particuliers expatriés

Le Budget 2025-2026 introduit une refonte progressive de l’imposition des revenus des particuliers, avec pour objectif affiché de renforcer l’équité fiscale tout en allégeant la charge pour les ménages aux revenus modestes.

Désormais, le barème de l’impôt s’articule autour de trois tranches principales :

– 0 % pour les revenus les plus bas (jusqu’à Rs 500 000 de revenu annuel), afin de préserver le pouvoir d’achat des foyers vulnérables ;

– 10 % pour les revenus intermédiaires (entre Rs 500 000 et Rs 1 000 000), marquant une imposition modérée sur la classe moyenne ;

– 20 % pour les revenus plus élevés (au-delà de Rs 1 000 000), traduisant une volonté d’élargir la base fiscale sans compromettre l’attractivité du pays.

Contribution Fair Share pour les hauts revenus

La nouvelle contribution Fair Share de 15% sur le revenu imposable total introduit une pression fiscale accrue pour les contribuables les plus fortunés. Elle s’applique dès qu’un revenu annuel net (y compris les dividendes) dépasse Rs 12 millions de roupies. Cette contribution est prélevée via le système PAYE et s’applique pour trois années consécutives, de l’exercice commençant 1er juillet 2025 jusqu’à 30 juin 2028. De plus, pour les revenus au-delà de Rs 24 millions, un taux d’imposition de 20 % s’applique sur cette tranche supérieure.

Cette mesure symbolise une étape supplémentaire vers une redistribution plus équilibrée, dans un contexte où Maurice cherche à se positionner comme une place financière régulée et socialement responsable.

Au-delà de son impact budgétaire, cette évolution envoie un signal politique fort : l’ère d’un système perçu comme trop favorable aux hauts revenus touche à sa fin, au profit d’un modèle où chacun contribue à hauteur de ses capacités.

Contrairement à d’autres dispositifs, cette contribution prend en compte l’ensemble des revenus mondiaux rapatriés à Maurice, y compris les dividendes.

Exemple 1 — Rémunération intégrale

– 375 000 € de rémunération annuelle à Maurice : environ 94 000 € d’impôts, incluant la contribution Fair Share.

– 375 000 € de rémunération annuelle en France : environ 112 000 € d’impôts.

Soit une différence de près de 18 000 € d’économie en faveur de Maurice, mais il convient de se demander si c’est une somme qui justifie une expatriation fiscale ?

Exemple 2 — Rémunération + dividendes

– 375 000 € répartis moitié en salaire (187 000 €) et moitié en dividendes (187 000 €) :

* Impôt sur le revenu : environ 35 000 €

* Contribution Fair Share (15 % sur les dividendes) : environ 22 000 €

– Total à Maurice : 57 000 €

– En France, pour la même base :

* Impôt sur le revenu : 35 000 €

* Prélèvement forfaitaire unique (PFU) : 24 000 €

* Cotisations sociales sur dividendes (17,2 %) : 32 000 €

* Total en France : 91 000 €

Enseignements tirés :

– Sur le plan strictement fiscal, l’écart entre Maurice et la France se resserre avec la Fair Share.

– Sur le plan social, la différence demeure considérable : la France applique des charges sociales très élevées sur les dividendes, ce qui gonfle sensiblement la facture.

– Toutefois, il convient de rappeler qu’il peut être stratégiquement pertinent de continuer à cotiser en France pour bénéficier des protections sociales et des droits à la retraite. Tout est donc une question d’arbitrage entre optimisation fiscale et sécurité sociale.

IMPÔT SUR LE REVENU INDIVIDUEL À MAURICE
Élément Avant (Pratique antérieure) Après (Finance Act 2025)
Système Taux proportionnel + marginal progressif (Solidarity Levy pour hauts revenus) Maintien d’un système progressif avec seuils ajustés
Taux standard 15 % (flat tax historique) 15 % sur la majorité des revenus
Progressivité (bandes de revenus) 0 % – 20 % sur un format d’échelle à 11 seuils Plus que 3 seuils :
– 0 % : sur les 500 000 premiers MUR de revenu imposable
– 10 % : sur les 500 000 MUR suivants
– 20 % : sur tout revenu au-delà de 1 000 000 MUR
Solidarity Levy (contribution sur hauts revenus) 25 % sur la partie du revenu dépassant 3 M MUR/an (plafonnée) Réformée en Fair-Share Contribution (à partir du 1er juillet 2025, pour 3 ans) : 15 % sur la part de revenu > 12 M MUR/an (incluant dividendes locaux et sociétés résidentes).

Définition claire de la résidence fiscale et ses implications

Avant de s’installer à Maurice, il est essentiel de réaliser une analyse précise de sa situation fiscale afin de sécuriser sa résidence fiscale et éviter tout risque de double imposition.

La résidence fiscale se détermine selon plusieurs critères hiérarchisés :

– Le foyer d’habitation permanent : il s’agit du logement principal dont vous disposez et que vous pouvez occuper à tout moment.

– Le centre des intérêts vitaux : c’est l’endroit où se situent vos attaches personnelles et économiques les plus fortes (famille, emploi, investissements, patrimoine).

– La durée de séjour : le pays dans lequel vous résidez le plus longtemps au cours d’une année peut être retenu comme lieu de résidence fiscale.

– La nationalité : si les critères précédents ne permettent pas de trancher, la nationalité peut servir de facteur déterminant.

– La procédure d’accord amiable entre États : en dernier recours, un arbitrage peut être mené entre les administrations fiscales des deux pays concernés, conformément aux conventions internationales.

Comprendre et anticiper ces critères est indispensable pour sécuriser votre statut fiscal, optimiser vos revenus et éviter les litiges potentiels entre juridictions.

Fiscalité des indépendants et des sociétés

Fiscalité des indépendants

Les travailleurs indépendants à Maurice relèvent du régime de l’impôt sur le revenu des particuliers. À l’instar du modèle français, leur résultat imposable est calculé sur la base du chiffre d’affaires diminué des charges professionnelles. Le revenu net ainsi déterminé est intégré dans la déclaration fiscale individuelle du contribuable et soumis au barème progressif en vigueur.

Fiscalité des sociétés

Pour les sociétés, le taux d’imposition standard de 15 % demeure inchangé. Toutefois, lorsque le chiffre d’affaires ou le résultat excède 500 000 €, une contribution exceptionnelle peut s’ajouter :

– +5 % pour les entreprises imposées normalement à l’impôt sur les sociétés (IS),

– +3 % pour les entités bénéficiant d’exonérations d’IS.

Cette mesure vise principalement les entreprises générant des revenus substantiels. Elle souligne la nécessité de procéder à une analyse fiscale approfondie pour chaque projet entrepreneurial.

À noter également : la cryptomonnaie, pour l’instant, ne fait pas partie du champ d’application de l’exit tax

Fiscalité immobilière

Le Budget 2025-2026 introduit une modification significative : la taxe sur les transactions immobilières (achat et vente) passe de 5 % à 10 %. Cette mesure entrera en vigueur en janvier 2026.

Enfin, il convient de rappeler que si vous détenez une SCI en France, celle-ci reste soumise à l’imposition française, même si vous êtes résident fiscal mauricien.

TVA : ce que la réforme change pour les services digitaux et les prestataires étrangers

Le Budget 2025-2026 abaisse le seuil d’assujettissement à la TVA de 6 millions de roupies à 3 millions de roupies, élargissant ainsi le champ des entreprises concernées.

Pour les sociétés établies à Maurice mais fournissant des prestations de services vers l’Europe, le régime reste attractif : une TVA à 0 % s’applique localement. Toutefois, il est important de rappeler que les clients français doivent auto-liquider la TVA française à 20 % auprès de l’administration fiscale. Cette mention doit impérativement figurer sur les factures émises depuis Maurice, conformément aux règles internationales de territorialité de la TVA.

En pratique, si le régime mauricien allège la charge fiscale des prestataires, il n’exonère pas leurs clients européens de leurs obligations déclaratives dans leur pays d’origine !

Optimisation fiscale et bonnes pratiques : revenus mixtes, conventions de non-double imposition, structuration adaptée

Toute expatriation doit commencer par une réflexion stratégique. Les questions essentielles à se poser sont les suivantes :

– Motivation du projet : pourquoi venir s’installer à Maurice ?

– Organisation professionnelle : suis-je prêt à recruter localement ? Vais-je conserver ma société en France ou la transférer ?

– Patrimoine : est-il judicieux de garder mes biens immobiliers en France ?

– Perspective de long terme : s’agit-il d’un projet ponctuel ou d’une installation durable ?

Une planification solide implique de s’entourer des bons experts — avocats fiscalistes, juristes en droit des sociétés mauriciens, comptables spécialisés — pour sécuriser la structuration juridique et fiscale de son projet.

Au-delà de l’optimisation, il s’agit aussi d’un engagement : s’installer à Maurice signifie apporter une contribution réelle au pays d’accueil et s’inscrire dans sa dynamique de développement.

Enfin, l’expatriation étant un projet de vie, elle requiert de la prudence et de la souplesse. Il est recommandé de garder une vision d’ensemble et de préserver des options de retour en France si la situation personnelle, économique ou fiscale venait à évoluer.

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